Pourquoi autant de créateurs galèrent pour survivre ?
L’entrepreneuriat dans le monde de la mode à deux visages : l’un est radieux et nous vend du rêve ! L’autre est beaucoup plus sombre.
La réalité est généralement tout autre que ce que veulent bien montrer les communications des créateurs. Nombre de petits créateurs peinent à survivre dans un univers concurrentiel très fort, et avec des acteurs parfois malhonnêtes.
Ceux qui survivent ne sont pas forcément les meilleurs, ou ceux ayant les produits les mieux conçus.
Une bonne part de chance et de débrouillardise est nécessaire pour percer et perdurer dans le milieu du textile.

Les arnaques
Le premier fléau, c’est la multiplication des arnaques « légale ». Ce phénomène n’est pas exclusivement réservé aux créateurs textiles. Toute personne créant une entreprise, ou une autoentreprise se verra cibler par ce genre de saloperies.
Lorsque vous enregistrez une nouvelle société, vos données sont vendues à tout un tas de personnes plus ou moins bien attentionnées. Parmi eux, des vendeurs de mobilier de bureau, des services de comptabilité… et des charognards.
Vous allez donc recevoir de la publicité assez classique, mais également des courriers un peu particuliers.
Ces derniers se font passer pour des courriers officiels, et vous réclament en toute tranquillité des sommes d’argent à régler rapidement.
Si vous ne lisez pas les petites lignes, vous ne pouvez pas deviner que c’est une arnaque. Car finalement, ces courriers comptent sur votre « fraicheur » dans le milieu de l’entrepreneuriat pour vous soutirer quelques centaines d’euros.
Le mot d’ordre pour ce genre de courrier : vous ne payez rien ! Une simple recherche sur un moteur de recherche vous permettra de démêler le vrai du faux.
Certaines lettres vous font croire à un dépôt de marque, d’autres à une « obligation » d’affichage. Tout cela est faux. Les sociétés qui mettent en place ces arnaques « légales » (légale parce qu’elles jouent sur votre crédulité, et vous vendent réellement quelque chose), jouent sur les mots et vous font croire à une obligation de payer. Ce n’est jamais le cas.
Vous pouvez (devez) absolument jeter ces courriers et ne pas y préter attention.

Les faux-amis des créateurs
Une fois votre collection créée, il va falloir la vendre. Et l’une des solutions les plus tentantes lorsqu’on débute, c’est de participer à des ventes de créateurs, ou de proposer sa collection dans une boutique collaborative.
L’idée est relativement simple et logique : s’associer entre créateurs pour être plus gros, et investir un lieu à plusieurs pour partager les coûts.
Des boutiques ont clairement flairé le filon, et exploitent aujourd’hui plusieurs lieux. Ces sociétés passent leurs journées à démarcher des petits créateurs pour remplir leurs différents magasins.
Car pour ces gens, l’intérêt est énorme : ils louent un espace dans la boutique (à la semaine, au mois), prennent une commission sur les ventes (entre 10% et 60%), et parfois, exigent du créateur qu’il assure des permanences (gestion de la boutique plusieurs jours par mois).
C’est donc une opération très rentable pour l’exploitant, qui ne paye pas la marchandise, ne paye pas la main-d’oeuvre et gagne de l’argent quoiqu’il arrive, même si aucune vente n’est faite.
Dans l’opération, le créateur est le cocu de l’histoire ! Au pire, il perdra de l’argent, du temps et de la motivation. Au mieux, il récupérera quelques euros sur l’ensemble des ventes faites par la boutique sur son dos.
Dans une relation commerciale normale, la boutique devrait payer pour le stock, tout simplement. Et payer des employés. Au lieu de ça, toute la charge revient aux créateurs qui acceptent cette mascarade.
Cependant, quand on débute, on a pas énormément de choix si on veut être présent physiquement dans une boutique. Réussir à vendre ses produits à une boutique, surtout lorsqu’on vient de lancer sa marque relève de l’exploit.
Donc si vous voulez tenter l’expérience, pesez attentivement le pour et le contre avant de prendre votre décision.

Les Pros du textile
Le milieu textile, c’est une grande famille. Et si vous ne faites pas partie de la famille, on va vite vous le faire comprendre.
En soi, jamais on ne vous enverra promener, jamais on ne sera méchant avec vous directement. Mais on ne vous répondra pas forcément. Ou on vous fera perdre du temps. Les relations de travail seront parfois un peu étranges.
Mon anecdote la plus parlante, je pense, c’est lorsque j’ai voulu acheter du tissu à un fabricant du sud de la France : ce dernier m’a annoncé un tarif pour 50 mètres de tissu, que j’ai accepté. J’ai payé la somme demandée, et j’ai reçu le rouleau de tissu quelques semaines plus tard, ainsi qu’un courrier de « relance ».
Une nouvelle facture expliquait qu’il fallait payer encore quelques euros, car le rouleau de tissu qu’on m’avait fait parvenir ne faisait pas 50 mètres comme prévus, mais 55 mètres. Et c’était à moi de régler la différence, le fabricant n’y peut rien, c’est les machines…
Trois choix s’offraient à moi : soit faire le mort et ne jamais payer la somme demandée (mais je me cramais chez ce fabricant). Soit découper les 5 mètres de tissu en trop et les renvoyer au fabricant (mais à nouveau, j’étais cramé chez le fabricant). Soit payer les quelques euros qui manquaient. Ce que j’ai fait.
À l’époque, je galérais à sourcer les matières premières nécessaires à la fabrication de mes salopettes enfants, et je n’ai pas jugé utile me mettre à dos cet escroc pour quelques 10 aines d’euros.

La problématique des petits créateurs
En tant que petit créateur, vous n’êtes jamais en position de force, et certains acteurs du milieu du textile cherchent, en toute tranquillité, à vous dépouiller de vos économies. Les sommes ne sont jamais immenses, mais mises bout à bout, cela finit par faire beaucoup.
De plus, vous ne serez jamais considéré tant que vous ne lancerez pas de « vraies » collections. Les fabricants s’en fichent royalement de vous vendre 2 ou 3 rouleaux de tissu. Ce n’est pas ce qui les fait vivre. Alors vous passez après tout le monde, ou on vous demande de payer 3 fois plus cher…
Bref, dans le textile comme ailleurs, on ne prête qu’aux riches. Tant que vous serez considéré comme un gagne petit, vous serez traité comme tel.
Vraiment super !!! Merci pour toutes ces explications ! Il faut en avoir du courage et même petits que nous sommes, nous deviendrons grands 😉
Merci,
Séphora
Merci pour ces informations qui éclaireront certainement le chemin de ceux ou celles qui souhaitent se lancer dans l’aventure.
Merci de prendre le temps de nous raconter votre expérience dans ce domaine.
Ilham